Pour son second fascicule publié chez Le Carnoplaste, Romain d'Huissier s'est lancé un double défi.
Dans un premier temps, le titre du texte lui a été fourni par son compagnon de jeu Julien Heylbroeck. Romain devait donc bâtir son histoire à partir ce ce seul titre.
C'est un processus créatif que j'affectionne. Il stimule l'imagination, même si le risque est de se trouver dans une impasse si le titre en question n’évoque rien. Ce n'a pas été le cas ici !
La seconde difficulté à été le choix du type d'intrigue. Comme Romain l'évoque sur son blog, il se lance dans un style particulier :
Qu'est ce que c'est que ce mot barbare ? Prenons la définition fournie par Wikipedia :
Le whodunit ou whodunnit (de l'anglais Who done it? c’est-à-dire « qui l’a fait ? »), aussi appelé roman de détection ou roman d'énigme, est une forme complexe du roman policier dans laquelle la structure de l’énigme est le facteur prédominant. Des indices sont fournis au lecteur qui est invité à en déduire l’identité du criminel avant que la solution ne soit révélée dans les dernières pages du livre. L’enquête est fréquemment menée par un amateur excentrique ou un détective semi-professionnel. Le roman de type « mystère en chambre close » est une forme particulière de « whodunit ». En principe, le lecteur doit disposer des mêmes indices que l'enquêteur et donc des mêmes chances que lui de résoudre l'énigme, l'intérêt principal de ce genre de romans étant de pouvoir y parvenir avant le héros de l'histoire.
Bien ! Ceci étant posé, passons au texte en lui-même.
Comme d'habitude chez Le Carnoplaste, l'objet est toujours de très belle facture. Que l'on parle de la qualité du papier, de l'encrage ou de la mise en page en double colonne, tout est parfait.
Comme dans son précédent fascicule La Rédemption du Phénix, la lecture s'ouvre sur un glossaire de termes propres à l'univers de la Chevalerie Chinoise et toutes les coutumes qui y sont associées. Toujours un peu déstabilisant, mais les termes étant peu nombreux, l'obstacle reste facilement franchissable.
Que nous raconte l'histoire ? (sans spoilers, bien sûr).
On va suivre les aventures d'une demoiselle au passé mystérieux, nommée Lie Hua-Tie, qui va se trouver conviée au sein d'un endroit empli de majesté, le Manoir de la Grande Concorde, afin de départager quatre dignitaires sur un sujet bien précis. Elle devra les observer, les juger, et décider, en son âme et conscience, de celui qu'elle estimera le plus à même de boire ce fameux élixir.
Romain maîtrise cet univers à la perfection : dès les premières lignes, les images se forment dans la tête et nous voilà transportés des centaines (milliers ?) d'années en arrière, au temps de l’Héroïsme avec un grand H, des combats loyaux à l'engagement total et aux pirouettes si caractéristiques des films de sabre.
C'est la force de ce second récit : son univers. Les combats sont, comme toujours, parfaitement orchestrés, très visuels, et, malgré la complexité de certaines passes d'armes et de techniques employées par les différents protagonistes, on n'a aucun mal à se représenter ces joutes aériennes tant la fluidité de la lecture est impressionnante.
On suit donc avec plaisir l'évolution du récit, qui, bien évidemment, révèle quelques chausse-trappes et un twist intelligemment placé. Car, il faut bien s'en douter, les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Le séjour de Lie Hua-Tie va être ponctué de nombreux événements confondants qui vont mettre son intelligence à rude épreuve. Elle va devoir faire preuve de logique pour comprendre ce qui perturbe - et le mot est faible - cette assemblée de notables.
Flanquée de son benêt de serviteur mongol (mention spéciale à ce second rôle que je trouve particulièrement excellent), elle va donc, avec minutie, démêler l’écheveau de ces faux-semblants pour, finalement, rendre son verdict, sans appel.
Mais, parce qu'il y a un mais, je l'avoue, je m'attendais à plus encore. Lie Hua-Tie est brossée comme une jeune femme d'une intelligence extraordinaire à l'esprit de déduction implacable qui a fait une partie de sa renommée Durant toute la lecture, je me suis donc attaché à rechercher les différents indices qui mettraient le lecteur sur la piste. J'ai eu plusieurs idées, me suis perdu en conjectures plus d'une fois me demandant si mon intuition était juste, ou pas. Arrivant à la fin sans avoir réussi à débusquer le vrai du faux, je me suis dit que le - difficile - pari était gagné. Et il l'est, parce que c'est le but de ce genre d'intrigues, mener le lecteur par le bout du nez avant de lui révéler la vérité.
Cependant, je n'ai pas pu m'empêcher de rester sur ma faim. Je pensais suivre un raisonnement plus "précis" que celui qui m'a été proposé. La déduction de Lie repose certes sur des faits et des certitudes, mais, contrairement à la lecture de nombreux ouvrages de ce type (dont un grand nombre récemment) je ne me suis pas dit durant l'exposé des faits : "Ah oui, P***** de M**** ! Comment n'y ai-je pas pensé ?".
Alors, est-ce décevant pour autant et le fascicule doit-il être honni ? Pas du tout, au contraire. Cette - légère - déconvenue en terme de construction d'intrigue n'est que mon propre ressenti et reste un détail au delà de la qualité générale du texte. C'est ma sensibilité qui parle et comme tout jugement, il est subjectif. J'ai lu la quarantaine de pages qui composent le fascicule en deux petites soirées, preuve que l'histoire est prenante et intéressante.
Ce deuxième texte, toujours dans un univers que je n'affectionne pas plus que ça au départ, ne fait que me conforter dans le fait qu'il faut être un excellent conteur d'histoires pour réussir à faire entrer autrui dans un univers qui n'est pas le leur.
Il n'y a donc aucune ambiguïté à ce sujet : Les Quatre Élixirs du Docteur Zhu est une histoire d'excellente facture, à la lecture fluide et agréable.
Il ne vous reste plus qu'à vous rendre juste là pour vous le procurer.
Je terminerai en précisant qu'il n'est pas évident de juger du travail des autres, d'autant plus quand cet autre en question est un ami proche. Romain m'a demandé de lui donner mon avis le plus juste qui soit sur son texte.
J'ai beaucoup de défauts, certes, mais la langue de bois et l'hypocrisie n'en font pas partie. J'ai donc été honnête dans mon jugement :-)
J'ai beaucoup de défauts, certes, mais la langue de bois et l'hypocrisie n'en font pas partie. J'ai donc été honnête dans mon jugement :-)
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